dimanche 2 septembre 2012
Retour en arrière 4: Mini-Transat
Tout est en ordre, on peut y aller!
Ah oui, c'est vrai, j'ai fait la Mini.
Pour d'aucun, ce serait un début de carrière.
Pour moi, c'est plutôt "avant qu'il ne soit trop tard".
J'ai 52 ans au départ, je sais bien que si je ne pars pas
cette fois, ce sera probablement jamais.
Quand le parcours de cette course s'était orienté, vers le Brésil,
j'avais un peu fait une croix sur ce rêve de jeunesse.
En effet, Je ne me voyais pas faire la seconde étape, le trajet
m en semblait trop long pour moi.
En fait, si je me savais honorable coureur de demi-fond,
j'avais du mal à me sentir coureur de fond.
En plus, je ne faisait plus de bateau à cette époque, je ne savais
même pas que je renaviguerais un jour.
Et puis l'existence réserve parfois des surprises:
j'ai crée mon atelier de composite, j'ai dessiné et construit
un Mini, puis un autre, et un autre encore.
Quand je me suis trouvé à regarder le départ en 2009, j'ai trouvé
ça magnifique, et j'ai compris que si je n'étais pas au départ
en 2011, ce serait un gros manque dans mon histoire personnelle.
Encouragé par des inconnus enthousiastes, un moment étonnant.
Bon, et cette course alors?
Avant le départ, quand je regarde la liste des engagés, un constat:
si je fait dans les 15, c'est normal.
Mon bateau est un avion, mais je n'ai que très peu navigué
depuis 2 ans, et il y en a au moins 15 dont l'engagement est mené
de façon professionnelle.
Si je fais dans les 10, c'est bien.
Dans les 5, ce serait génial, mais étonnant.
Quand au podium, c'est jackpot.
Néanmoins, j'y vais pour ça. Pour moi, seul le jeu devant vaut la peine.
Après, c'est le sport qui décide, mais on y va pour tenter la gagne,
non mais sans blague!
1ère ETAPE:
De la pétole et du près!
Gascogne, c'était marrant, tout le monde à la même enseigne,
à naviguer dans le petit temps
La pétole, quand on y est tous, j'adore ça, c'est pas physique,
pas stressant. Ca demande juste de l'attention.
J'ai du aussi faire conseiller composite pour Jörg qui s'est fait
découper par Béber Delesne.
Après Finistere, ça change, on longe un front stationnaire au large
du Portugal, certains vont même voir ce qui se passe de l'autre côté,
très mauvaise idée, la curiosité est un vilain défaut (copiright ma mère)!
Je vais malheureusement comprendre à mes dépends que
je ne suis plus un jeune homme ( même si je fais semblant),
et j'ai du mal à récupérer les coups durs.
En bref, on se prend une nuit d'orage assez localisé au près,
35 nds pendant la nuit, 40 établis pendant une heure.
Tourmentin, 3 ris, des vagues merdiques, je n'ose pas virer
pour me sortir de ça, peur de me faire coucher pendant
la manoeuvre. Bon, ça se passe bien, mais quand j'en sors, il me faut
24 heure pour me remettre en mode course.
Dans les conversations VHF, je comprend ce jour là qu'Etienne David
me passe et me dépose, pas loin de moi, mais je n'ai pas l'énergie
pour réagir.
J'ai bien un soucis d'électronique avec la girouette débranchée
en tête de mat, mais le vrai problème, c'est moi qui n' ai plus de jus.
Bon, je vais finir 6ème, au contact avec Guillaume Lebrec et Etienne
David, mais c'est le bateau qui m'a emmené sans que je lui demande
quoi que ce soit!
Content, le capitaine!
MADERE, mon artiste préférée:
2ème ETAPE:
Malgré mon appréhension de départ, ça a bien commencé,
je suis le plus Sud le lendemain du départ.
Le plus Sud, mais aussi le plus Est.
Entre Madere et Canaries
Et puis ça part en vrille.
Le pilote a des réactions bizarres, ces premiers jours de course,
réactions que je ne comprend pas, genre messages de butées de barre.
Pas cool, tout ça.
Très mauvais pour la sérénité.
Compte tenu de ma position Est, je décide de passer dans les Canaries
plutôt que de m'aligner derrière mes petits camarades.
La direction du vent s'y prête bien, je devrais éviter les dévents.
Me restera à gérer les accélérations. y a qu'a, quoi.
Ben je vais très mal gérer. Je me glisse entre La Palma et Tenerife
en début de nuit, plein pot, spi médium, GV 1 ris, tout va bien.
La lune est là, tout va bien.
Les étoiles aussi. Le vent monte doucement, 18, 20 nds, tout va bien.
Les vagues se lèvent, mais ralentissent, ça va encore.
Arrivé à la hauteur de Gomera, il faut empanner, j'affale le spi,
on verra quoi renvoyer après le manoeuvre.
Les vagues sont de plus en plus courtes et lentes, comme vent
contre courant en Mer d'Iroise. Ca va moins bien.
Je m'apprête à envoyer Code5 et prendre 1 ris de plus dans GV quand
ça ne va plus du tout.
Il tombe sur le bateau un véritable mur de vent, pas le temps de voir
combien, ça fume, ça hurle, le bateau s'emballe, accélère, double
les vagues, saute de crète en crète sans passer par le creux,
les haubans s'allongent à chaque saut, c'est pas possible,
tout va péter, 23, 24, 25nds73, c'est quoi cette folie, j'affale
la GV comme je peux, il faut tirer comme une mule, pourvu que
le bateau ne sorte pas de la piste pendant la manoeuvre,
ce serait vraiment méchant...ouf, GV affalée...
Putain, on va encore trop vite sous foc seul, je l'affale aussi,
on est à 8nds à sec de toile, merde, qu'est ce que je fous là!!?
Ca ne dure pas longtemps, le vent baisse, se stabilise à 35nds,
mais je suis tétanisé, et si ça recommence?
Je renvois un bout de foc après une heure d'attente, et je vais
lambiner jusqu'à l'après-midi comme ça, j'ai les jambes coupées
par la trouille .
Et je vais traîner cette trouille toute la course.
Mais qu'est ce que je fais là?
A chaque bulletin météo incertain, je vais me retrouver sur la défensive.
A chaque nuage douteux, je vais passer du mode course
au mode convoyage prudent.
Et je vais en ressentir un immense sentiment d'impuissance
et de frustration.
Pendant ce temps là,j'entend les copains à la VHF commenter
leurs moments d'attaque, leurs plus belles pointes de vitesse;
et leurs vracs, aussi.
Sous code5, entre 2 grains
Bizarrement, je les accompagne toujours, je ne suis pas si décroché
que ça. Je me sens honteux pour le bateau, pour Véro, et ceux qui
m'ont aidé: le bateau marche tout seul, ne demande qu'à aller plein pot,
et je passe ma vie à chercher les freins.
Malgré tout, je suis au contact avec le 741 et la Tortue.
Pas des enfants de coeur, ça me surprend un peu...
Mon pilote merde de plus en plus, ça n'aide pas, le capteur d'angle
se grippe, c'est Aymeric de La Tortue qui me fait un diagnostic
par VHF et m'apporte une solution qui sera provisoire.
Je referai tous les jours les butées de barre, puis plusieurs fois
par jour, puis...
Je quitte la compagnie de la Tortue, rattrape un groupe avec Milan
et, surprise, Guillaume Lebrec et Etienne David, mes copains
de 1ère étape.
Sortie de zone intertropicale, vent de Sud.
Certains restent en tribord amure. On entend les réflexions
à la VHF.
La VHF en Mini, c'est comme la CiBi chez les routiers.
J'envois en babord, Milan me suit à 1 mille, puis revire.
J'entend Etienne et Guillaume partir eux aussi en babord...
C'était vraiment le bon choix. On ne reverra plus les tribordais.
On devine Guillaume et son 667 sous la bôme.
Je vais me retrouver à vue avec Guillaume, on va naviguer quelques
temps ensemble, Etienne David à portée VHF, parfois Lucas Shroeder aussi.
Et puis on rattrape Jörg, qui a cassé sa tête de quille( le seul
morceau que je n'ai pas construit du 753!).
Je le guide par radio pour sécuriser l'ensemble, il reprend sa route.
A fond, comme toujours...
Jörg est complètement déchaîné, sur cette course, son résultat
ne sera malheureusement pas à la hauteur de la qualité de sa course.
Finalement, je suis pas si mal, on devrais arriver dans des contrées
à la météo plus stable, je me suis contenté ces derniers jours
de suivre Etienne et Guillaume en mode convoyage, il est peut-être
temps de me réveiller un peu, une 5ème ou 6ème place reste accessible.
C'était sans compter sur le pilote; cette saloperie de capteur
rend définitivement l'âme à 3mn Sud.
Et là, c'est vachement moins drôle.
Délivrance? Non, galère dans 3 mn de latitude.
J'ai bien une intelligence Raymarine en secours, mais juste prévue
pour rentrer à la maison en pouvant lâcher la barre.
Pässé 6/7 nds, son cerveau s'affole, engendre des embardées de 40°.
Donc je barre, je bouffe, je ralentis la nuit quand je ne vois plus
les instruments, je dors, je bouffe, je barre, je barre, douffe, bors,
zut, me suis endormi...
Je perd du temps, les collègues se sont barrés,je suis malheureux,
c'est vraiment une course de merde, je broie du noir, je suis le roi
des cons, tout ça.
Ne pas craquer, surtout, ne pas craquer...
J'espère tout juste sauver une place de 10 au général, ça va pas être simple.
Je fais des comptes d'apothicaire, mais je sens que ça reviens par derrière.
Mais c'est tout petit!
Puis c'est l'approche de Salvador. Nico et son 719 cher à mon coeur
croisent sous spi devant moi, on est dans le petit temps, mais j'ai
envoyé le spi médium.
Je pique du nez, le médium supporte mieux mes écarts à la barre.
La présence de Nico me réveille, et puis j'entends à la VHF qu'Etienne
David se présente à l'entrée de la Baie de Tous les Saints.
Grosse remontée de moral, je le croyait un jour devant,
il n'est qu'à 10 milles! Ce n'est peut-être pas si catastrophique?
Il y a aussi Nico à croquer à côté, chouette, il y a encore du jeux.
Derrière, Nico. Devant, Bahia.
Cette dernière journée de régate, je vais la finir devant Nico.
Et ça va me permettre de finir avec un grand sourire plutôt
qu'en larmes, comme depuis la panne de pilote.
J'ai fini 10ème de l'étape, et 9ème au général.
C'était plus ou moins ce que j'espérait au départ. Et pourtant...
Pourtant, malgré une réussite architecturale indéniable, c'est
pour moi un putain d'échec sportif.
1: la 1ère étape m'a donné faim, je n'ai pas eu assez d'appétit
pour la suite.
2: Je croyais être prêt, ce n'était pas le cas. Surtout pour
l'électronique. Je n'en avais pas mesuré l'importance en général,
et celle du pilote en particulier, dans la compétition océanique
moderne. Je ne l'avais pas perçu sur les courses de 48 heures que
j'ai disputées ces dernières années, pendant lesquelles on peut rester
70% du temps à la barre.
Du coup, j'ai négligé la calibration des paramètres, la compréhension
du pilote ainsi que l'emport d'éléments de rechange pour les plus
fragiles.
Petite aparté: vu le prix du matériel, le manque de fiabilité
du matériel NKE est proprement ahurissant. Outre le capteur d'angle,
j'ai eu à déplorer un afficheur Gyro à l'éclairage très aléatoire.
La nuit, c'est pas sympa du tout!
C'est dommage, les possibilités du calculateur sont vraiment
étonnantes.
3: Le manque de rythme. J'ai fonctionné en alternatif,
je l'ai mal vécu, plus je le vivais mal, moins j'avançais.
Je ne comprends toujours pas comment j'ai fini dans les 10
avec un tel bilan.
M'enfin, je l'ai faite, cette Transat.
Et puis le 802, c'est un avion, c'est pour moi l'essentiel.
Et solide, avec ça, rien cassé pendant la course...
Reste à lui offrir un résultat de référence.
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