mardi 2 septembre 2008

Les Sables-Les ( euh, Les Sables)




C'était un beau départ, il faisait beau, il faisait chaud.
La tendance météo indiquait plutôt du mou, du louvoyage,
bref, pas de quoi battre des records de vitesse, mais tout pour
faire une navigation paisible, sans problêmes mécaniques.
J'ai pris de la lecture, 15 jours de vivres,
Je suis juste un peu inquiet quand à la quantité d'eau.
Il ne faudra pas en balancer par dessus bord, je pense que
chaque litre rique de compter.
Comme d'habitude, j'ai pris un départ paisible et effectué
le prologue en fin de paquet.
C'est un exercice dans lequel je ne suis pas à l'aise,
je préfère avoir de l'espace pour m'exprimer.
Ceci écrit, c'était quand même très sympa de recevoir
la visite de Véro, invitée sur le bateau des Faber.
Comme c'était après le parcours, que j'avais commencé
à revenir vers l'avant et que je me trouvait dans le sillage
de Thomas (Ruyant), la meilleure référence possible
dans ces conditions, c'était bien sympa.
Je pouvais partir joyeux, et Véro reprendrait
la route avec le sourire...


AU LARGE.

La stratégie était simple.
Devant les incertitudes des fichiers météo, j'ai pensé qu'il était
impossible de faire un quelconque routage.
L'objectif était donc de rester sur le bord rapprochant,
le plus vite possible, et de rester attentif à l'évolution pour choisir
la droite ou la gauche.
J'ai bien vu que j'étais dans le bon paquet le premier soir, qu'on avait
une bonne vitesse, mon petit bateau et moi. J'avais juste un doute
en voyant tous les cadors partir à droite sur un bord franchement
défavorable.
Avaient-ils tous un routeur génial ayant vu un truc infaillible?
Moi, je préfère rester sur mon bord centre-gauche,en faisant
un petit coup à droite quand ça mollit, histoire de vérifier si
ça mollit partout pareil.
Après une bonne nuit de sommeil, je me suit retrouvé 2ème.
Bonne nouvelle... la chance sourit parfois aux feignants.
Puis c'est une grosse journée de pétole, comme je les aime.
C'est à dire que j'aime ça quand je sais que tout le monde est
logé à la même enseigne.
On peut voir plein d'animaux, des dauphins, un cachalot;
j'ai même cru me faire déposer par une tortue, un peu vexant!
J'apprendrai ensuite qu'il s'agissait d'un poisson lune...
Le soir, je suis toujours second.
Suit une nuit magnifique, sous les étoiles.
Le vent rentre un peu, c'est d'abord du gennaker babord amure,
puis je peux envoyer le spi médium. Le bateau glisse sur l'eau plate.
Il n'y a pas une ride sur l'eau, qui n'est troublée que par la cicatrice
du sillage.
Un feu derrière moi cherche à gagner de la gauche, là où se trouve
un orage. Les éclairs annoncent les travaux à venir;
c'était l'autoroute des vacances.
Au matin, je suis en tête, là où je veux. La météo prévoit du vent
fort sur le nord de notre zone, donc je me sens vraiment bien au
Sud.
L'orage de la nuit me rejoins, avec pluie, rotation et renforcement
du vent.
Je me retrouve au près,d'abord babord amure, tout dessus.
Puis tribord amure, 1ris, quand reviens le soleil.
L'angle semble moins favorable en babord, mais le VMG est bien
meilleur. Et je veux gagner vers le Sud, c'est plus fort que prévu,
je sens qu'il faut se dépécher de gagner en latitude.
Vers 12 H, je prends le 2ème ris dans la GV, l'anémomêtre
affiche plus de 25/27 nds, la mer est très courte, croisée, et
Señor Blue fait des démarrages à 8nds sur certaines vagues
isolées. C'est vraiment brutal...
Vers 14 H, le vent passe au-dessus des 30 nds, je décide de prendre
le ris dans le foc.
Je suis sur la plage avant, écoutes et point d'amure repassés,
je me dégage la longe du harnais prise entre mes jambes quand tout
se gâte.
Le bateau s'envole sur une vague, je prouve au monde que
je ne sais pas voler, et je m'écrase lamentablement sur la fesse gauche,
le dos dans la filière sous le vent.
Non seulement je me sens très con, mais surtout, je n'arrive plus
à me relever tellement ça fait mal du côté gauche.
Je mets un temps interminable pour me relever, revenir au cockpit.
Tant qu'à faire, je renvois le foc arrisé, on reprend la course, mais
Bon Dieu que ça fait mal à chaque vague.
Le côté gauche est bloqué des côtes aux orteils,
avec l'impression de devoir rester paralysé à chaque mouvement
un peu vif.
Je règle les voiles tant bien que mal, bloque la barre et prend
des cachets pour me soulager, et au lit avec une soupe,
on verra si ça passe.
Non seulement ça passe pas, mais c'est même de pire en pire,
je passe 10 minute à 4 pattes en marche arrière pour sortir
de ma couchette, c'est vraiment mal barré et je commence à
m'interroger sur la suite à donner.
Il n'y a plus qu'à attendre la météo du soir pour prendre une décision.
Le soir, on est toujours en tête, Señor Blue s'occupe de tout.
Il n'est pas tendre, le bateau, mais il sait faire!
Mais la météo ne me permet pas d'espérer rejoindre l'Espagne pour
me faire soigner dans des conditions de sécurité acceptables.
Je m'imagine devoir demander des secours parce que je ne peux plus
manoeuvrer.
Merde, j'ai déjà dématé, sancis, perdu des safrans, j'ai jamais appellé
au secours et je suis toujours rentré tout seul à la maison.
Alors appeller au secours alors que le bateau est nickel, il n'en est
pas question.
Caramba, ça fait vraiment chier, mais je dois me rendre à l'évidence:
il est 22 heures, et je décide de faire demi-tour.
Et le pire, c'est que jamais je ne saurai si c'était la bonne décision...